Les superinvestisseurs de Graham et Doddsville

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Imaginez que l’on organise une grande compétition de pile ou face.

225 millions d’orang-outans y participent.

Ils peuvent bien y participer, cela ne demande pas d’avoir une compétence particulière de jouer à pile ou face.

Il y aura toujours un gagnant et un perdant.

Chaque participant possède au début de la compétition 1 € et mise, à chaque partie, toute la somme qu’il possède.

À la fin du 1er jour, la moitié des orang-outans aura gagné et l’autre moitié aura perdu.

Les gagnants auront donc 2 € à la fin du 1er jour.

Le 2ème jour, à nouveau une partie.

Encore une moitié de gagnant et une moitié de perdant.

Au bout de 20 jours, il y aura précisément 215 orang-outans qui auront gagné plus d’1 millions d’euros.

Ces 215 gagnants auront réussi à deviner 20 fois de suite le côté sur lequel allait tomber la pièce.

Ces orang-outans pourraient presque se prendre pour des génies, mais il n’en est rien, tout cela n’est que mathématique.

Imaginez maintenant que sur ces 215 orang-outans, il y en 40 qui viennent du même zoo.

On serait alors sûrement intéressé de savoir s’il y a un “truc”.

Peut-être qu’ils mangent une nourriture particulière, peut-être qu’ils font un certain type d’exercice ou peut-être qu’ils ont lu un livre qui leur a permis de faire la différence.

Dans le monde de l’investissement, ce zoo, c’est Graham et Doddsville.

 

La valeur, la valeur, la valeur

Graham et Dodd sont à l’origine d’une méthode d’investissement qui a permis à ceux qui l’ont adoptée de devenir de superinvestisseurs.

Des investisseurs qui surperforment sur de longues périodes les performances du marché.

Cette méthode, c’est l’investissement dans la valeur.

Ces investisseurs sont Warren Buffett, Charlie Munger, Walter Schloss, Howard Marks et d’autres.

Ils ont tous réussi à surperformer le marché sur de longues périodes.

Jetons alors un coup d’oeil à cette méthode qui n’a l’air de ne faire que des heureux.

Comme on l’a dit, cela consiste à investir dans la valeur mais la valeur, qu’est-ce que c’est réellement ?

Les actifs

Si on devait résumer simplement en quoi cela consiste, ce serait acheter des actions qui valent 1 € au prix de 0,50 €.

Toute l’histoire sera donc de trouver le moyen d’estimer le plus justement possible la valeur d’une action.

Pour ça, on va arrêter de considérer une action comme une ligne dans un porte-feuille mais plutôt comme une entreprise.

Au final, une action c’est bien un morceau d’entreprise, une part de la propriété d’une compagnie.

Maintenant comment savoir combien vaut cette entreprise ?

Pour Mr Graham et Mr Dodd, la valeur se trouve à l’origine dans ce que possède une entreprise, ses actifs.

Imaginez par exemple que l’on souhaite acheter une boulangerie.

Alors je n’ai aucune idée de combien cela pourrait se vendre, mais imaginons que l’emplacement vaut 100 000 € et que tout ce que la boulangerie possède, ses machines, son four, ses ustensiles, etc… valent 50 000 €.

Nous savons aussi que ce business n’a aucune dette.

Super, rien à devoir à la banque…

Intuitivement, on comprend qui si nous arrivons à avoir cette boulangerie pour moins de 150 000 €, on fera une affaire.

En achetant cette boulangerie, on obtiendrait 150 000 € d’actifs et aucune dette.

Dans le pire des cas, même si le business tournait mal et que la boulangerie ne fonctionnait pas, on pourrait tout revendre et empocher 150 000 €.

Vous vous dites peut-être que le boulanger n’a aucune raison de vendre sa boulangerie à moins de 150 000 €, il lui suffirait de tout vendre lui-même.

Et pourtant, sur les marchés boursiers, il peut exister des entreprises qui se vendent à un prix inférieur à la valeur de leurs actifs.

Ce sont de vrais bonnes affaires.

C’est un peu comme si c’était les soldes et qu’on nous vendait des actions à -50 %.

Au début de sa carrière, Warren Buffett ne recherchait que ce genre d’opportunités.

Internet n’existait pas et il était beaucoup plus fastidieux à l’époque de faire ce travail de recherche et d’analyse.

Aujourd’hui, un screener peut nous faire ce travail et vous imaginez donc bien que ce genre d’opportunités aujourd’hui devient de plus en plus rare.

C’est pourquoi aujourd’hui, la valeur ce n’est plus uniquement les actifs qu’une compagnie possède.

Les bénéfices

Une entreprise, ce sont des actifs mais c’est surtout une capacité à faire des bénéfices.

Une société n’aurait aucune raison d’être si elle ne peut pas gagner de l’argent.

Les bénéfices seront donc un aspect capital pour savoir si une entreprise a de la valeur ou non.

Quelle est donc cette valeur ?

Il existe une méthode de calcul qui permet d’estimer cela.

Mais cela consiste en fait à se dire : combien suis-prêt à payer aujourd’hui, pour recevoir les bénéfices futurs de cette entreprise ?

Si on investit 1 000 € aujourd’hui, ce n’est pas pour recevoir 1 000 € dans 1 an.

On veut un retour sur investissement.

Une rentabilité qui nous permettrait de prendre le risque de placer notre argent.

La valeur de ces bénéfices sera donc la somme de tous les bénéfices futurs de cette entreprise en faisant attention à prendre en compte le temps qui se sera écoulé lorsque l’on percevra ces bénéfices.

Ce n’est pas aussi intimidant que cela peut paraître.

Une formule simple permet d’estime cela.

On ne rentrera pas dans le détail de ce calcul dans cet épisode mais si cela vous intéresse, il s’agit de la méthode d’évaluation DCF (Discounted Cash Flow).

Notre boulangerie de tout à l’heure vaudra donc bien plus cher si on s’aperçoit que depuis quelques années il s’agit d’une entreprise qui voit ses bénéfices augmenter années après années…

Par contre, si cette boulangerie perd chaque année de l’argent, vous imaginez bien que son prix de vente sera un prix au rabais.

Lorsque j’évalue la valeur d’une société, c’est l’aspect des bénéfices qui m’intéresse le plus.

J’aime savoir que les actions que je possède sont les actions d’une société qui gagne de l’argent et encore mieux, d’une société qui voit ses bénéfices augmenter année après année.

La croissance

Il y a enfin un dernier aspect qui entre en compte dans l’estimation de la valeur d’une entreprise.

C’est son potentiel de croissance.

C’est à dire sa capacité à grandir et à devenir de plus en plus profitable.

Il s’agit là de l’aspect le plus spéculatif de cette méthode, le plus sensible et le plus difficile à appréhender.

Comment savoir comment va évoluer une société dans 5, 10 ou 20 ans ?

On ne le peut pas.

On peut essayer, mais on fera au mieux, une estimation qui ne tombera pas très loin de la réalité.

C’est pour cette raison qu’il faut faire très attention à ne pas donner trop d’importance à ce critère.

Vous connaissez sûrement Tesla.

C’est une société extraordinaire qui change déjà le monde.

Les voitures électriques sont sûrement le futur du transport mais Tesla est une compagnie qui ne gagne pas d’argent.

Depuis qu’elle est publique, depuis qu’il est possible d’acheter ses actions sur les marchés, Tesla ne gagne pas d’argent.

Et pourtant, cette entreprise vaut plus de 33 milliards de dollars.

Cette valeur est soutenue principalement par les attentes des investisseurs vis-à-vis de sa futur croissance.

Cela a de la valeur.

Mais une valeur qu’il faut prendre avec précaution.

 

Pourquoi si peu d’habitants à Graham et Doddsville ?

Cette méthode est simple.

Elle repose sur des principes que tout le monde peut comprendre.

On recherche de la valeur dans les actifs, les bénéfices et une possibilité de croissance.

Une fois cette valeur estimée, il reste cependant une dernière étape : se protéger.

Notre estimation ne sera jamais exacte.

C’est une estimation.

On se réservera donc une marge de sécurité afin que, même en cas d’erreur ou d’évènement imprévu, on ne perdra pas d’argent.

Si on estime la valeur d’une action à 100 €, on peut se garder une marge de sécurité de 30 % par exemple et n’investir que si le prix de l’action est à 70 € ou moins.

En ayant une marge de sécurité, dans tous les cas où une action se vend à un prix inférieur à sa valeur, il y a possibilité d’investissement.

Une dernière question se pose quand même.

Si cette méthode est si efficace, pourquoi si peu de personnes investissent de cette manière ?

Lorsqu’on a posé la question à Warren Buffett, sa réponse a été : “Parce que personne ne veut devenir riche lentement”.

Cette méthode n’est pas sexy.

Elle demande de la patience, il faut parfois plusieurs années avant que le marché reconnaisse la valeur d’une action.

Et elle requiert une certaine maîtrise de soi.

Il y aura des moments où tout le monde cherchera à vendre ses actions : en tant qu’investisseur dans la valeur, on doit pouvoir avoir assez de sang froid pour repérer que c’est dans ces moments qu’apparaissent les meilleurs opportunités.

Mais il est difficile d’acheter quand tout le monde est effrayé et cherche à fuir les marchés.

Il faut avoir cette force d’esprit d’aller souvent à contre courant, pouvoir ne pas suivre les foules.

Mais si on arrive à rester fidèle aux principes de Mr Graham et Mr Dodd, à garder la tête froide même dans les périodes les plus difficiles, il y a de bonnes chances pour que l’on puisse faire partie de la famille des investisseurs de Graham et Doddsville.

 

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